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BRIAND Joseph

Né à Langrolay, Côtes d’Armor, le 12 août 1877, Joseph Marie Briand aurait pu être constructeur de navires comme son oncle Dault qui, associé avec Tranchemer, avait un chantier à Saint-Malo. Un autre de ses oncles, le CLC Louis Richard, fit de lui un marin. Avec lui, le jeune Briand débuta sa carrière au long cours comme matelot en 1902, à bord des paquebots des Messageries Maritimes CORDILIERE et ATLANTIQUE que commandait l’oncle, sur les lignes Bordeaux-Amérique du Sud.

Joseph Briand, inscrit N° 1154 au quartier de Dinan, venait alors d’achever son service militaire. Au cours de ses cinq années dans la marine nationale il avait, comme matelot timonier breveté de 1ère classe, participé à deux campagnes de guerre à Madagascar à bord du croiseur LE NIELLY, ce qui lui avait valu la médaille coloniale.

Entre deux embarquements, Joseph Briand fit à Bordeaux sa théorie de lieutenant au long cours et commença une carrière d’officier sur les grands voiliers portant les couleurs de la maison Bordes lieutenant sur ALMENDRAL de juin 1905 à avril 1907, puis second capitaine sur le 3-mâts REINE BLANCHE du 3 octobre 1907 au 22 octobre 1907, le 3-mâts STRASBOURG de février 1808 à novembre 1909, le 4-mâts TARAPACA de janvier 1910 à juin 1912 enfin le 3-mâts MADELEINE, de 1912 à juillet 1913. Reçu capitaine au long cours, il commande pendant la guerre pour les voyages de nitrate au Chili le 3-mâts GENERAL NEUMAYER, d’octobre 1913 à mars 1917 puis le 4-mâts AD BORDES de juin 1917 à août 1919.

Le 2 octobre 1917 au large du Cap Finistère, L’A.D. Bordes fut attaqué au canon par un sous-marin allemand. Le commandant Briand riposta avec 1’armement du bord et neutralisa son adversaire. On lira en annexe son rapport de mer. Ce fait d’armes lui valut la croix de guerre avec citation et plus tard la croix de la légion d’honneur.

Après la guerre Joseph Briand navigua comme capitaine sur les vapeurs GREEUR, SARREBOURG, MULHOUSE, PRO-PATRIA et CELTE. Durant la prohibition, il lui arriva de transporter de l’alcool à destination de l’Amérique du Nord. Opération parfaitement admise par la législation française, fort profitable aux armateurs mais parfois très risquée.

Mettant sac à terre en août 1926, Joseph Briand songea un temps à la capitainerie du port de Marseille mais il préféra devenir Directeur de l’armement de la société « La Morue Française » à Fécamp, société dans laquelle son père avait autrefois eu des responsabilités. Il s’y montra novateur en envoyant, sur le conseil d’un C.L.C. norvégien de ses amis, un chalutier congélateur pêcher au Groenland. Mais Joseph Briand, qui souhaitait établir son fils aîné, quitta la Morue Française pour créer à Saint Malo, avec la participation au capital d’importants commerçants rennais, l’armement à la grande pêche « Briand père et fils ».

“Le 10 juin 1933, les anciens chantiers Dubigeon à Nantes ont lancé le COMMANDANT LOUIS RICHARD, premier des deux trois mats goélette à moteur auxiliaire qu’ils ont en construction pour MMBRIAND armateurs “(Le Yacht 1juillet1933)

Le nom du bateau rappelait l’attachement de Joseph Briand à cet oncle qui avait fait de lui un capitaine au long cours. Construit en acier comme les derniers grands voiliers, ce navire destiné à la grande pêche, témoignait de l’esprit novateur et des préoccupations sociales de Joseph Briand : moteur auxiliaire de 250 CV, groupe électrogène, TSF, congélateur pour la boette, vaste poste d’équipage avec caissons individuels et penderies etc.

Peut-être ce bateau était-il trop novateur comme son sister-ship le LIEUTENAND RENE GUILLON, peut-être venaient-ils tous les deux trop tard, car le temps des chalutiers débutait, peut-être la conjoncture économique était-elle défavorable, il eut surtout fallu une gestion plus rigoureuse que celle du jeune directeur commercial. Quoi qu’il en soit, au bout de deux ans, l’armement dut cesser ses activités et les bateaux furent vendus pour désintéresser les créanciers.

Ruiné, Joseph BRIAND reprit pour quelques mois un demi-commandement, celui d’un yacht, OEIL DU VENT, appartenant à un industriel bordelais, avant de mettre en 1939 définitivement sac à terre, se retirant à la campagne à Saint Aubin d’Aubigné en Ille et Vilaine, le pays de sa femme.

L’Albatros Joseph Briand est décédé le 30 août 1963 à Noyal sur Vilaine. Le bateau qui fût son oeuvre, le COMMANDANT LOUIS RICHARD lui a survécu, il fait l’honneur de la marine marchande italienne naviguant encore, comme bateau de prestige, sous le nom de PALINURO.

 

ANNEXE

Rapport de l’engagement du transport A.D. Bordes

avec un sous-marin allemand

 

Je soussigné Joseph Briand, commandant du transport A.D. Bordes, déclare avoir, le 2 octobre vers 10 heures du matin, entendu une canonnade. Nous nous trouvions à ce moment par 45° 18 minutes de latitude nord et 10 degrés de longitude ouest avec petite brise de O.S.O. ayant les amures à bâbord.

 

Le soir à quatre heures trente, la brise ayant fraîchi, aperçu sous-marin allemand armé de deux pièces, au moment de son émersion à sept mille mètres sur l’avant. Aussitôt je donne l’ordre de charger les pièces, les canonniers étant à leur poste, et je fais venir grand largue afin de présenter l’arrière au sous-marin et augmenter la vitesse du navire. Le sous-marin tire avec sa pièce de l’avant, mais son tir est trop court et beaucoup trop à droite, nous lui répondons avec rapidité ! Aux quatre premiers coups, le tir est réglé huit mille cinq cents et neuf mille mètres. Le cinquième coup tombe environ deux cents mètres trop court et en bonne direction. Au sixième pas de gerbe et le sous-marin s’enfonce trop rapidement pour préciser si les hommes et les canonniers aperçus sur son kiosque ont eu le temps de rentrer ou si le coup a été donné de plein fouet ! Néanmoins pendant ce combat j’ai à signaler l’attitude exemplaire du canonnier breveté Coz Guillaume, chef de pièce, immatriculée au deuxième dépôt N° 110577, du second capitaine M. Gervin, inscrit à Cancale N° 266, pour son sang-froid et son habileté à la manœuvre, et surtout, de M. Vandesande, deuxième lieutenant, inscrit à Dunkerque N° 5506, qui, aux premiers coups de canon, afin de donner plus de précision au tir est monté au capelage de perroquet de fougue pour me fournir toutes les indications nécessaires au sujet de la distance et de la manœuvre du sous-marin.

 

Il n’y a eu ni panique à bord ni aucun acte qui ne fut conforme à la plus stricte discipline. En foi de quoi, je rédige le présent rapport que je déclare conforme à la vérité, me réservant le droit de l’amplifier s’il y a lieu.

 

Le capitaine, signé Joseph Briand,

A bord, le 2 octobre 1917

 

La présente notice sur le Cdt Joseph Briand a été rédigée d’après les archives familiales de la famille Briand et soumise à son plus jeune fils monsieur Michel Briand.
Jean Le Bot